Prendre soin de sa santé mentale, c’est aussi « aller bien et aller chez le psy »

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’y a pas besoin d’aller mal pour profiter des bienfaits d’une consultation chez le psy.
Journaliste responsable de la rubrique C’est la Vie, Le HuffPost
PSYCHOLOGIE – Il est des passages obligés dans la vie. Un deuil, une rupture amoureuse, un échec professionnel, un changement mal vécu, un complexe traîné depuis l’enfance. Certaines épreuves ne passent pas avec le temps, elles s’installent, font leur nid et ressortent au premier pépin. Pousser la porte d’un cabinet de psy peut être salvateur. Mais, des semaines, des mois voire des années plus tard, pourquoi continuer quand la crise est passée?

Après avoir confié secrets, peurs et doutes, certains ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Si, aujourd’hui, ils vont mieux, ils n’ont pas raccroché les crampons pour autant. “J’ai la vingtaine, je travaille, je suis heureuse, en bonne santé, écrit Sahaj Kohli, journaliste au HuffPost américain. Je ne souffre pas de mon travail, de mes relations sociales ou de mes loisirs. Et, je me rends sereinement à des séances hebdomadaires avec mon psy. Pourquoi donc? Les raisons peuvent évoluer. En ce moment, je sens que j’ai encore beaucoup apprendre sur moi et sur la manière de gérer certains sentiments, certaines situations, certains besoins.”

Étonnant? Sahaj Kohli n’est pas la seule dans ce cas. Louis, Agnès ou encore Léa ont eux aussi décidé de poursuivre ce travail sur eux-mêmes après la crise. Tous les trois ont en commun d’avoir connu de vraies difficultés lors de leur passage à l’âge adulte. A 20 ans, Léa disait “avoir du mal” avec les épreuves de la vie. A 24 ans, Louis a traversé “une grosse crise” et des “angoisses terribles”. Agnès a aussi commencé sa thérapie au début de la vingtaine et ce pendant sept ans.

“Après six séances de thérapie, j’ai arrêté, raconte Léa. J’allais mieux et cela a un coût”. Cette étudiante à Toulouse a néanmoins changé d’avis quelques mois plus tard: “aujourd’hui, quelques mois plus tard, j’ai décidé d’y retourner et cette perspective me plaît beaucoup. Je ne veux plus attendre qu’il y ait un problème pour y aller, c’est une démarche sur le long terme.” Le problème du coût est l’un des principales raisons pour lesquelles la thérapie se termine quand il y a amélioration. Léa a réussi à contourner le problème en se tournant désormais vers un professionnel qui organise des consultations gratuites pour les étudiants.

“C’est le moment le plus ludique de ma semaine”

C’est aussi le coût qui a poussé Agnès, 31 ans, à réduire aujourd’hui la fréquence des séances. “Au moment où je suis tombée enceinte, je suis retournée voir la psychiatre avec laquelle j’avais fait 7 ans de thérapie, confie cette enseignante parisienne. Mais, maintenant, deux ans et demi après la naissance de ma fille, cela devenait difficile d’aller la voir toutes les semaines financièrement. Depuis octobre, je n’y vais qu’une fois par mois”. Impensable en revanche d’arrêter tout bonnement de suivre ces consultations. “C’est un vrai sas de décompression. En tant que maman, on a tendance à se mettre de côté. Là, pendant 45 minutes, je sais que c’est un moment pour moi et que ce sera plus enrichissant qu’un cours de yoga”.

Comme Agnès, Louis, 28 ans, chercheur en mathématiques appliquées compare aussi sa thérapie à un sport. “C’est le moment le plus ludique de ma semaine, affirme-t-il. Certains font du tennis, moi je vais chez le psy”. Et le trentenaire consacre un budget conséquent pour cette activité qui le passionne. “Pendant trois ans, je suis allé chez un psychiatre qui recevait gratuitement dans ma ville. Désormais, je consacre environ 250 euros par mois à ma thérapie. Grâce à mon salaire, je peux me le permettre donc je n’hésite pas à le faire”, explique-t-il encore.

Pas seulement une partie de plaisir

Médecin ou non, psychiatre ou psychologue, les professionnels du secteur cherchent à démocratiser et à désacraliser leur champ d’action. “De nombreuses personnes pensent qu’une thérapie ne s’adresse qu’aux gens qui sont perturbés ou malades, mais ce n’est tout simplement pas vrai. La plupart des gens qui commencent à aller voir un psy ne souffrent pas d’une maladie mentale sérieuse. Ils ont de gros défis à relever ou traversent des transitions et des changements de vie difficiles qui les empêchent d’avancer, insistait en 2008 la psychologue clinique, Dana Gionta dans une tribune publiée dans Psychology Today. Ceux qui poursuivent leur thérapie ont trouvé bien plus que ce qu’ils imaginaient au départ.

Avant de commencer leur thérapie, Léa et Louis en avaient une image plutôt négative. Désormais, ils en sont devenus les meilleurs ambassadeurs auprès de leur cercle d’amis et de leur famille. Agnès, de son côté, a pu aider deux de ses amies en leur conseillant d’aller consulter sa propre thérapeute. “J’ai l’impression que ce travail sur moi-même me pousse à devenir une meilleure personne, témoigne l’enseignante. Cela me pousse dans mes retranchements et améliore mes raisonnements au quotidien.”

Une séance de thérapie est pourtant loin d’être une partie de plaisir. “Suivre une thérapie demande beaucoup de courage et de force, rappelle ainsi Sahaj Kohli. On me dit parfois que ce doit être agréable de prendre une heure par semaine pour “m’occuper de mes soucis”. C’est effectivement agréable. Mais c’est aussi l’heure la plus épuisante de toute ma semaine sur le plan affectif”. C’est d’ailleurs aussi ce qui peut retenir ceux qui hésitent à consulter. Se confronter à des choses qu’il est plus confortable de laisser loin dans un coin de sa tête fait par exemple peur à Sara, 28 ans qui hésite encore à franchir le cap. “Si je sais qu’aller voir un psy pourrait me faire du bien, j’ai très peur de déterrer d’autres sentiments ou événements que je n’ai pas envie d’affronter aujourd’hui”.

Une thérapie et ses pauses

Cette gymnastique cérébrale, à défaut de leur avoir apporté des réponses précises semble au moins leur avoir permis de trouver un apaisement auquel ils ne parvenaient pas seuls. “Quand j’ai commencé à voir un psy, je me posais des questions auxquelles je n’avais pas de réponses. Et je m’en pose encore aujourd’hui, d’autres. Je ne vais pas plus mal, mais j’ai peur de l’inconnu”, explique ainsi Léa consciente du chemin qui lui reste à parcourir et du soutien que peut lui apporter ce travail sur elle-même.

Agnès a arrêté pendant deux ans sa thérapie avant sa grossesse. Peut-être qu’un jour cette thérapie s’arrêtera une nouvelle fois. En attendant, la trentenaire tient beaucoup à la relation qu’elle a développée avec sa psy. “Même après toutes ces années, elle n’est jamais devenue mon amie. Un jour je l’ai croisée dans un restaurant. Ce fut extrêmement gênant pour elle, comme pour moi. Elle est et restera mon médecin.” Ni proche, ni lointain, seulement quelqu’un à côté qui suit discrètement sa vie et ses interrogations.