Du désir bénéfique à l’exigence professionnelle

Il n’est pas nécessaire d’être en difficulté ou en souffrance pour s’engager dans un « travail sur soi ». En dehors de toute urgence, s’engager dans une telle démarche constitue :

  • une réponse au désir légitime de connaissance de soi, de prévention, de mise au travail de ses façons de communiquer, d’être en relation, d’être au monde ou d’exploration des questions existentielles que tout être humain rencontre tôt ou tard,
  • un plus bénéfique pour chacun dans sa vie, personnelle et familiale, ses relations, ses rapports avec ses groupes sociaux d’affiliation…
  • pour les professionnels dont l’activité s’appuie sur la relation (assistant social, éducateur, enseignant, médiateur…), c’est un plus bénéfique,
  • pour les professions prenant en charge la souffrance psychique et exerçant dans et par la relation humaine (psychiatre, psychologues, psychothérapeutes…), c’est une exigence éthique.

Lorsque l’on est un professionnel de la relation engage nécessairement la subjectivité du professionnel, son être n’est jamais neutre : il est présent dans la relation, parfois malgré lui, par ses affects, ses croyances, ses façons de voir et de penser, ses habitudes, son histoire, ses fragilités, ses forces…

Ses réactions émotionnelles, ses projections et ses zones d’ombre influencent directement la qualité et la justesse de son intervention. Travailler sur soi, ce n’est pas viser une perfection illusoire, mais se donner les moyens de rester ajusté, présent, lucide et humble dans la rencontre.

Intérêts de travailler sur soi

Travailler sur soi est un plus dans sa vie quotidienne et une exigence éthique et professionnelle dans toute relation d’accompagnement, pour plusieurs raisons complémentaires :

  • Il permet de mieux distinguer ce qui appartient à soi de ce qui appartient à l’autre, atténuant ainsi les projections, attentes ou jugements inconscients qui altèrent la qualité d’écoute.
  • Il aide à repérer et contenir ses zones sensibles (fragilités, besoins de reconnaissance, angles morts), pour éviter qu’elles n’interfèrent dans la relation ou ne servent des besoins personnels.
  • Il constitue un socle de sécurité intérieure, permettant de faire face à la souffrance, à l’incertitude, à l’ambivalence ou au silence, sans chercher à se rassurer, se légitimer ou se valoriser à travers l’autre.
  • Il affine la conscience de ses propres mécanismes psychiques et relationnels, et développe une réflexivité, ressources précieuses pour accueillir et travailler avec ce qui surgit.
  • Il favorise une tolérance à l’inconfort et à l’incertitude, évitant les interventions prématurées dictées par ses propres urgences au détriment de l’écoute réelle.
  • Il cultive l’humilité et l’authenticité relationnelle : en ayant rencontré sa propre complexité et éprouvé sa sensibilité et sa vulnérabilité, le professionnel peut renoncer aux illusions de maîtrise et accueillir l’autre dans son humanité et s’engager dans la rencontre à partir de sa propre humanité, sans volonté de contrôle.

C’est pourquoi le « travail sur soi » est, pour les professionnels de la relation, une exigence éthique fondamentale qui constitue la condition de moyens permettant de tendre vers le respect, la justesse et l’intégrité dans la relation professionnelle, la condition sine qua non d’une pratique se voulant responsable et respectueuse de la vulnérabilité d’autrui.

Nécessité d’un tiers

Dans une perspective individuelle-relationnelle-sociale, le travail sur soi vise nos zones d’ombre en jeu, sans que nous en ayons conscience, dans notre rapport à nous-même, dans nos interactions et nos relations, dans nos affiliations sociales et les dynamiques de nos environnements sociaux qui nous traversent.

L’introspection, pourtant précieuse, ne suffit pas à faire émerger ces phénomènes entourés de peur, de culpabilité ou de honte. Seul nous restons aveugles de ces angles morts, c’est pourquoi ce travail ne peut être accomplit sans aide. La médiatisation d’un tiers professionnel est requise pour les approcher, les mettre au jour et les intégrer.

Le travail sur soi concerne également les questions existentielles, le professionnel se positionnant comme interlocuteur dans une perspective laïque, sans jugement, en restant ouvert à la dimension spirituelle ou religieuse que la personne peut leur donner.

Le tiers constitue un cadre soutenant et exigeant, propice à l’exploration des zones sensibles. Son rôle est de soutenir, contenir, solliciter et confronter de façon ajustée, pour permettre les prises de conscience, traverser les déstabilisations, sortir des impasses et explorer d’autres possibles.

 

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