La personne : de l’individu à sa situation psychosociale

La culture individualiste

On pense habituellement que chacun est autonome et seul responsable de sa vie : de ses réussites comme de ses échecs, de son bien-être comme de son mal-être. Dans cette vision, s’en sortir dépend uniquement de sa propre volonté, de son mérite personnel, ou de ses efforts individuels. Cela peut sembler valorisant, et notre culture le valorise, mais cette façon de voir l’être humain a de lourds effets :

  • sur le plan personnel : anxiété, culpabilité, honte, perte de confiance, repli sur soi, isolement…
  • sur la santé: stress chronique, épuisement, risques de troubles psychosomatiques ou dépressifs, fragilisation du système immunitaire, stigmatisation des personnes atteintes de handicap et de troubles psychiques…
  • dans les relations : peur de montrer ses failles, difficulté à reconnaître ses besoins relationnels, faible tolérance à la vulnérabilité de l’autre…
  • en famille : pression à réussir, tabou des difficultés, perte de solidarité intergénérationnelle…
  • au travail : compétition interne, sur-responsabilisation, déshumanisation, déni du mal-être, perte de sens…
  • et même à l’échelle du monde : oubli des solidarités, contribution à l’atmosphère de compétition permanente et au dérèglement climatique…

Certaines formes de psychothérapies peuvent renforcer ces effets, lorsqu’elles sont centrées sur l’exploration des profondeurs de la personne, qu’elles visent à atteindre des résultats avec efficacité, quand elles véhiculent l’idée que « quand on veut on peut » ; de même que le large mouvement prônant que « nous avons en nous les ressources pour réaliser nos rêves », pour « devenir une meilleure version de soi-même ».

 

Cette perspective individualiste fait peser encore plus de pression sur les épaules des personnes et oublie une réalité fondamentale :

  • l’être humain est un être social, les liens interpersonnels et les affiliations sociales sont indispensables à son existence, à sa survie, autant qu’à son épanouissement,
  • cette dépendance aux autres, matérielle, relationnelle et sociale, nécessite de reconnaître que la vulnérabilité est une condition inhérente à l’humanité, et non le seul fait de la pathologie, de l’accident ou du handicap,
  • et la solidarité, galvaudée et invisibilisée sauf dans les situations de détresse sociale et de catastrophe, est présente partout comme un terreau fertile indispensable de nos existences.

La personne : de l’individu à sa situation psychosociale

Lorsqu’une personne recourt individuellement à un professionnel, elle vient seule en consultation et pourtant, tout un monde est là avec elle : sa famille, ses relations interpersonnelles, les groupes sociaux auxquels elle appartient et ses contextes de vie. Ce que la personne éprouve, pense, décide, fait dépend directement de toute cette situation complexe, et non seulement d’elle.

Ces trois dimensions –individuelle, relationnelle et sociale–, sont en évolution permanente et imprévisible. Des changements dans une dimension entraînent des répercussions en cascade et inattendues sur les autres. L’immense richesse et la profondeur de chacune de ces dimensions conduit à reconnaître que la situation globale est compréhensible seulement de façon approximative et éphémère, et reste toujours susceptible d’un éclairage nouveau.

Appréhender la personne « comme situation psychosociale » signifie avoir à l’esprit que ces dimensions, –individuelle, relationnelle et sociale– sont toujours présentes et actives, dans leur épaisseur, leur complexité, leur évolutivité constante et leur imprévisibilité, sans pouvoir les réduire à la seule dimension individuelle, sans considérer que la personne est seule responsable de ce qui lui arrive et de son cheminement de sa vie.

 

Contexte sociétal La thérapie phénosociale Pour qui ? Travailler sur soi Analyse et supervision